Article rédigé par Sandrine Coucke-Haddad, publié le 01/03/2024 dans le magazine Plantes et Santé
Les protéines végétales sont-elles moins intéressantes que les protéines animales ? Faut-il en consommer plus ? Quels sont les choix alimentaires gagnants ? Revue de détail.
Que nous soyons végétariens ou pas, nos besoins en protéines sont les mêmes, environ 0,8 g par kilo de poids et par jour, soit 52 g pour un adulte de 65 kilos. Si, dans une alimentation omnivore, l'essentiel des protéines provient des aliments carnés – viande, poisson et œufs étant ceux qui affichent les teneurs les plus importantes –, on peut tout à fait ne miser que sur les végétaux. Les légumineuses (lentilles, pois chiches, soja, haricots secs…), les céréales, pseudo-céréales et produits céréaliers (blé, avoine, riz, sarrasin, quinoa, pâtes…) et les fruits à coque (amandes, noisettes, noix…) sont d'excellents pourvoyeurs de protéines. Un dîner composé d'une soupe de lentilles (200 ml), de 2 tranches de pain complet aux graines, de 2 cuillerées à soupe d'houmous et d'une mandarine apporte déjà près de 20 g de protéines. Celles-ci « ne doivent représenter que 10 à 20 % de nos apports quotidiens, contre 35 à 40 % pour les lipides et 40 à 55 % pour les glucides, explique Marie Gabrielle Domizi, diététicienne et membre du comité scientifique de l'Observatoire national des alimentations végétales (ONAV). En réalité, les carences protidiques chez nous sont un mythe, y compris chez les végétariens ». Une vaste enquête anglaise confirme que les végétariens et végétaliens ont en moyenne des apports en protéines journaliers de 13 à 14 %, ce qui correspond bien aux recommandations.
Besoin de plus de protéines quand on vieillit ?
Les besoins en protéines augmentent un peu avec l'âge (1 g par kilo et par jour à partir de la soixantaine), d'autant que des travaux menés par l'unité Inserm de Bordeaux en 2016 montrent que les plus fragiles se distinguent par des apports en protéines trop faibles. Dans ce contexte, les protéines végétales ont toute leur place. Une étude, parue en 2021 dans le Journal of American Heart Association, fait ainsi le constat que les femmes ménopausées qui consomment des protéines végétales présentent un risque moins élevé de mortalité, notamment par maladies neurologiques et cardiovasculaires. Un argument de choix quand on sait que ces dernières constituent la première cause de mortalité féminine.
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Si les végétaux peuvent couvrir nos besoins en protéines, celles-ci ne sont toutefois pas exactement similaires, car leur composition en acides aminés dits indispensables (ils doivent obligatoirement être puisés dans l'alimentation) peut varier sensiblement. Or les acides aminés sont les micronutriments de la protéine qui assurent leur synthèse dans l'organisme, c'est pourquoi on reproche souvent aux protéines végétales d'être moins bien assimilées, ce qui se traduit par une valeur biologique (VB) inférieure : alors qu'un steak de bœuf affiche une VB de 80, le riz plafonne à 59 (l'œuf, parfaitement équilibré en acides aminés, étant la référence avec une VB de 100). Deux acides aminés peuvent poser problème : la lysine, présente en moindre quantité dans les céréales, et la méthionine, moins présente dans les légumineuses. Comme la nature est plutôt bien faite, les légumineuses, moins fournies en méthionine, sont en revanche riches en lysine alors que les céréales, plus pauvres en lysine, sont bien pourvues en méthionine. En d'autres mots, le profil protidique de ces deux catégories d'aliments se complète. D'où cette règle couramment adoptée par les végétariens/végétaliens : associer céréales et légumineuses à chaque repas. On peut se régaler avec un couscous (semoule + pois chiches) ou un chili (haricots rouges + maïs) et faire ainsi le plein de protéines « complètes » en acides aminés.
Toutefois, une telle complémentarité n'est pas obligatoire à chaque repas, surtout si on mange des produits laitiers ou des œufs, excellentes sources de protéines animales. « Notre corps sait stocker les acides aminés, précise Marie Gabrielle Domizi, on peut donc assouplir cette règle sans risque, surtout si on digère mal les légumineuses, et les intégrer à notre alimentation deux à trois fois par semaine tout en couvrant parfaitement nos besoins en protéines. Ce qui compte, c'est de diversifier au maximum les protéines végétales. » L'Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses) rappelle de son côté que « la diversité des sources de protéines permet de satisfaire le besoin en acides aminés indispensables. » L'idéal est donc de puiser dans l'ensemble des familles d'aliments riches en protéines végétales pour composer ses repas : légumineuses dont le soja, qui affiche la VB la plus élevée (74) quelle que soit sa forme, céréales, fruits à coque. Sans oublier les graines (sésame, chia, courge…), la levure maltée ou de bière, les germes de blé ou encore la spiruline, ces petits plus hyperprotéinés qui complètent les apports. L'équilibre en acides aminés se fait alors naturellement sur la journée et/ou la semaine.
Booster l'assimilation du fer végétal
L'étude Esteban publiée par Santé publique France en 2019 montre que 7 % des femmes en âge de procréer présentent une anémie (ce chiffre grimpe à 10 % chez les filles de 6 à 17 ans), et 20 % une déplétion totale de leurs réserves en fer. Or les aliments les plus riches en fer sont aussi ceux qui contiennent le plus de protéines animales. Les protéines végétales, – légumineuses, céréales complètes, légumes à feuilles vertes… – apportent heureusement de bonnes quantités de fer. On booste l'assimilation de ce fer végétal (non héminique, il est moins bien absorbé par l'organisme) en l'associant aux aliments riches en vitamine C au cours du même repas.
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Moins intéressantes transformées
Outre leur indispensable rôle structural et physiologique, les protéines ont un autre intérêt : elles rassasient. C'est vrai également pour les protéines végétales, à condition de les avaler entières (ce qui oblige à mâcher, car elles sont nutritionnellement denses). « La transformation fait perdre en pouvoir rassasiant, indique notre diététicienne, on évite donc de consommer les légumineuses exclusivement en houmous, tartinade ou soupe. Là encore, le conseil est de varier les sources protidiques mais aussi les manières de les cuisiner. » Quant aux produits transformés à base de protéines végétales, méfiance. D'une part parce que certains procédés industriels comme l'extrudation (qui donne un effet soufflé à vos galettes de riz ou « cracottes ») appauvrit la teneur en protéines, mais aussi parce que les « steaks végétaux » sont en réalité moins pourvus en protéines qu'il n'y paraît. L'association UFC Que Choisir a ainsi constaté que sur dix références, la moitié n'apportait pas les 15 % attendus de protéines par portion. L'alternative pour dépanner ? Le tofu, seitan, tempeh ou les protéines de soja texturé, très riches en protéines de bonne qualité, que l'on peut ensuite cuisiner en bolognaise, chili ou autre.
Article rédigé par Sandrine Coucke-Haddad, publié le 01/03/2024 dans le magazine Plantes et Santé
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